Des astrophysiciens japonais viennent de découvrir près de 200 proto-amas de galaxies dans l'Univers d'il y a 12 milliards d'années. Le nombre de ces progéniteurs d'amas de galaxies connus est ainsi multiplié par 10 d'un seul coup. Les chercheurs trouvent aussi des choses intéressantes sur les quasars dans ces proto-amas.
C'est avec le télescope Subaru, situé à Hawaï, que trois équipes japonaises menées par Jun Toshikawa (Université de Tokyo), Hisakazu Uchiyama, et Masafusa Onoue ont exploré l'Univers lorsqu'il était âgé de moins de 2 milliards d'années. dans le but d'apprendre des choses sur comment et pourquoi les amas de galaxies se sont formés. Ils publient leurs découvertes dans les Publications of the Astronomical Society of Japan.
On connaît de nombreux amas de galaxies matures, situés dans l'Univers relativement proche, mais on en connaissait beaucoup moins sous leur forme naissante, qu'on appelle des proto-amas de galaxies : à peine 20. Rappelons que les amas de galaxies sont des regroupements de galaxies pouvant en contenir des centaines voire des milliers. Il est bien sûr crucial de les observer en train de se former.
Comme les proto-amas sont difficiles à observer directement, les astronomes utilisent parfois des quasars (noyaux actifs de galaxies) pour servir de traceurs. Le fondement de cette méthode vient du fait que lorsque de nombreuses galaxies se retrouvent proches les unes des autres dans ce qui est en train de devenir un amas de galaxies, la probabilité de fusion de deux galaxies augmente, et la fusion de galaxies engendre le plus souvent une forte augmentation de l'activité du trou noir central de l'une des deux par l'apport de gaz "frais", produisant un phénomène de type quasar. Les chercheurs japonais ont voulu savoir si cette relation était vraiment pertinente. Pour cela, ils avaient besoin d'un vaste échantillon de proto-amas de galaxies. Pour cela, rien de mieux que la caméra à très grand champ du télescope Subaru, nommée HSC (Hyper Suprime Cam). Les relevés à grand champ obtenus par Jun Toshikawa et ses collègues leur ont permis de trouver 179 proto-amas de galaxies, multipliant par presque 10 leur nombre connu à ce jour. Chacun de ces proto-amas de galaxies, d'après les simulations d'évolution, a ensuite évolué pour formé dans l'Univers local un amas de l'ordre de 100 000 milliards de masses solaires (quelques centaines de galaxies).
Parallèlement, Hisakazu Uchiyama et son équipe ont échantillonné 151 quasars lumineux situés à la même époque cosmique que les proto-amas découverts, et à leur grande surprise, la plupart de ces quasars ne se trouvent pas dans les régions de surdensité en galaxies. Il semble même que les quasars les plus lumineux se trouvent plutôt isolés des proto-amas. Les astronomes pensent donc que non seulement les quasars ne sont pas de bons traceurs pour trouver des proto-amas de galaxies, mais que les phénomènes de fusion de galaxies ne seraient pas forcément le seul mécanisme à l'origine de l'apparition de quasars.
Hisakazu Uchiyama et ses collaborateurs estiment même que le relatif isolement de ces quasars vis-à-vis des régions correspondant à l'agrégation de galaxies pourrait indiquer que le rayonnement intense et énergétique des quasars ait un effet de suppression de la formation des galaxies dans leur voisinage proche.
Mais l'équipe de Masafusa Onoue, elle, a trouvé une bizarrerie, un cas particulier, ou plutôt deux cas particuliers, qui semblent exclure l'intervention du hasard : les chercheurs ont découvert deux paires de quasars qui se situent toutes les deux à l'intérieur de proto-amas de galaxies, là où la densité en galaxies est la plus grande. Les quasars seuls sont déjà rares, mais les couples de quasars le sont encore plus, et la présence de ces deux couples de quasars va à l'encontre des conclusions de l'équipe de Hisakazu Uchiyama. Elle implique que l'activité des membres de ces paires de quasars serait bien déclenchée par des fusions majeures de galaxies à l'intérieur des proto-amas.
L'observation de proto-amas de galaxies grâce au télescope Subaru et à sa caméra à très grand champ a ainsi permis de révéler la grande diversité des premiers spécimens du début de la hiérarchisation des galaxies. Heureusement, le programme japonais dédié à l'observation des premiers amas de galaxies n'est pas terminé. Les astrophysiciens comptent bien pouvoir atteindre dans quelques années le nombre de 1000 proto-amas de galaxies toujours aux alentours de 12 milliards d'années de distance, de quoi clarifier le processus de grossissement de ces grandes structures cosmiques.
Sources
GOLDRUSH. III. A Systematic Search of Protoclusters at z~4 Based on the >100 deg2 Area
Toshikawa et al.
Publications of the Astronomical Society of Japan, Volume 70, Issue SP1, 1 January 2018, S12,
Luminous Quasars Do Not Live in the Most Overdense Regions of Galaxies at z~4
Uchiyama et al.
Publications of the Astronomical Society of Japan, Volume 70, Issue SP1, 1 January 2018, S32,
Enhancement of Galaxy Overdensity around Quasar Pairs at z<3.6 based on the Hyper Suprime-Cam Subaru Strategic Program Survey
Onoue et al.
Publications of the Astronomical Society of Japan, Volume 70, Issue SP1, 1 January 2018, S31
Illustrations
1) Cartographie de proto-amas de galaxies par le télescope Subaru (Toshikawa et al. )
2) Les deux paires de quasars identifiées (représentés par des étoiles), les autres galaxies sont représentées par des cercles blancs tandis que les contours indiquent la densité globale en galaxies (Onoue et al. )
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