L'exposition aux rayonnements cosmiques galactiques dans notre système solaire n'a jamais été aussi élevée depuis le début de l'ère spatiale, et a tendance à augmenter plus vite que ce que les spécialistes avaient prédit il y a quelques années. En cause : la faible activité magnétique du Soleil.
Nathan Schwadron (Université du New Hampshire) et ses collaborateurs avaient déjà évalué les niveaux de débit de dose sur la surface de la Lune dû aux rayons cosmiques en 2014 grâce à un détecteur dédié nommé CRaTER (Cosmic Ray Telescope for the Effects of Radiation) qui est embarqué sur la sonde Lunar Reconnaissance Orbiter (LRO) positionnée en orbite autour de la Lune. Ils avaient alors prédit que le débit de dose produit par le flux de rayons cosmiques galactiques (les GCR, des protons et des ions lourds énergétiques venant de l'extérieur du système solaire) à la surface de la Lune devrait augmenter de 20% entre le dernier minimum d'activité solaire et celui qui à commencé depuis quelques années. Mais après quatre nouvelles années d'enregistrements de données sur LRO, Schwadron et son équipe publient aujourd'hui une mise à jour et montrent que le débit de dose des rayons cosmiques galactiques augmente non pas de 20%, mais de 30%.
Le flux de GCR est intimement lié à l'activité magnétique du Soleil, qui peut être tracée par le nombre de taches solaires à sa surface. Le champ magnétique du Soleil agit comme une sorte de bouclier contre les particules chargées énergétiques qui viennent de l'extérieur du système solaire. Plus cette défense est faible, plus le flux de particules est intense. Le Soleil connait un cycle d'activité de 11 ans, passant par des maxima et des minima. Nous arrivons en ce moment à la fin du cycle 24, avec une activité solaire qui devient extrêmement faible. Et il se trouve que le maximum du cycle 24 a été déjà particulièrement faible, le plus faible en nombre de taches solaires depuis le cycle 12 qui a culminé en 1880, et deux fois plus faible que le cycle 21 dont le maximum a coïncidé par chance avec les premières missions Apollo au début des années 1970. Les auteurs rappellent même que les cycles solaires 23 et 24 ont montré les minima les plus longs jamais observés depuis 1880.
Dans leur étude parue dans Space Weather, Schwadron et ses collègues pointent le fait que l'environnement radiatif des futures missions habitées vers la Lune ou Mars n'aura rien à voir avec celui des missions lunaires historiques.
Les chercheurs mentionnent également qu'en septembre 2017, de larges éruptions solaires ont eu lieu, les plus puissantes depuis une décennie, donnant lieu à la production d'un autre type de rayonnement cosmique, provenant directement du Soleil celui-là (des protons et des électrons accélérés), qu'on nomme des SEP (Solar Particle Events), flux de particules très intenses. Les SEP pourraient être prévues quelques semaines en avance en surveillant de près l'activité du Soleil mais elles restent imprévisibles à moyen ou à long terme.
Le fait que le flux de rayons cosmiques augmente plus vite que ce que les chercheurs avaient estimé il y a quatre ans, même si cette augmentation peut être attribuée selon Nathan Schwadron à des particules de relativement basse énergie pouvant être un peu plus facilement atténuées par des blindages, n'est pas rassurant pour tous ceux qui croient que l'Homme est adapté pour quitter la Terre.
La décroissance d'activité solaire continue observée depuis trois cycles laisse penser que le cycle 25 (dont le maximum est prévu en 2025) pourrait atteindre un niveau record de basse activité, ce qui induirait mécaniquement une augmentation encore plus prononcée du flux de GCR avec tout ce que cela implique sur la santé des futurs astronautes, et pas seulement sur leur risque de cancer radio-induit.
Source
Update on the worsening particle radiation environment observed by CRaTER and implications for future human deep-space exploration
N. A. Schwadron, F. Rahmanifard, J. Wilson, A. P. Jordan, H. E. Spence, C. J. Joyce, J. B. Blake, A. W. Case, W. de Wet, W. M. Farrell, J. C. Kasper, M. D. Looper, N. Lugaz, L. Mays, J. E. Mazur, J. Niehof, N. Petro, C. W. Smith, L. W. Townsend, R. Winslow and C. Zeitlin
Space Weather (17 march 2018)
Illustrations
1) Vue d'artiste de la sonde LRO (l'instrument CRaTER est visible en bas à droite) (NASA's Goddard Space Flight Center Conceptual Image Lab)
2) Evolution du nombre de taches solaires observées depuis 2000, montrant les cycles 23 et 24 (NOAA/SWPC)
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