Un chaînon manquant dans la grande famille des pulsars vient d'être identifié par une collaboration internationale grâce à des observations effectuées avec le télescope spatial NICER. L'objet caractérisé n'est ni tout à fait un magnétar énergisé par son énorme champ magnétique, ni un pulsar propulsé par son énergie rotationnelle... Une étude publiée dans The Astrophysical Journal.
Swift J1818.0-1607, c'est son nom, est tout de même classé parmi les pulsars de type magnétars. Les magnétars sont caractérisés par leur champ magnétique extrême et une certaine instabilité dans leur rotation. Ils peuvent produire des émissions de rayons X par bouffées qui sont induites par des interactions d'électrons dans leur champ magnétique. Mais récemment, plusieurs magnétars ont été détectés aussi en ondes radio, alors que l'on pensait que ce mode d'émission était réservé aux pulsars classiques qui eux puisent leur énergie dans leur rotation propre, jetant un flou sur la frontière existant entre les deux types d'étoiles à neutrons.
Chin-Ping Hu (RIKEN Cluster for Pioneering Research, Japon) et ses collaborateurs internationaux ont utilisé le télescope à rayons X NICER (Neutron star Interior Composition Explorer) installé sur l'ISS pour observer Swift J1818.0-1607, un objet qui venait d'être détecté quelques heures plus tôt par le télescope spatial Swift, le 12 mars dernier, via un sursaut de rayons gamma/X. Les chercheurs pensaient avoir affaire à un magnétar. Ils parvinrent à commencer l'enregistrement du rayonnement X de Swift J1818.0-1607 seulement 4 heures après l'alerte GRB de Swift.
Hu et ses collaborateurs ont alors mesuré une pulsation du signal ayant une période de 1,36 secondes, la plus courte période jamais vue pour un magnétar. Mais, malgré un comportement rotationnel assez erratique typique des magnétars (des variations qui atteignent un facteur 10), les astrophysiciens mesurent en moyenne un ralentissement de la rotation de -2,48 10-11 s-2. Un tel ralentissement de la rotation signifie que le pulsar/magnétar perd de l'énergie de rotation, qui se retrouve sous la forme d'énergie de rayonnement. Il n'a donc pas uniquement son champ magnétique très intense comme source d'énergie de rayonnement comme un magnétar classique. Mais ce n'est pas non plus un pulsar classique car les chercheurs arrivent à calculer l'intensité du champ magnétique à sa surface et trouvent une valeur de 2.7 1014 Gauss, typique des magnétars. A partir du ralentissement de la rotation et des sauts de fréquence de rotation (ce qu'on appelle des "glitches") qui sont mesurés, les astrophysiciens peuvent donner un âge de formation pour ce magnétar/pulsar : 420 ans (seulement).
Swift J1818.0-1607 apparaît vraiment hybride : bien que possédant des caractéristiques de magnétar, il montre également des caractéristiques de pulsar plus classique. Son émission de rayons X est notamment plus faible que celle des autres magnétars. Hu et ses collaborateurs ont pu la suivre pendant environ 100 jours avec NICER, en enregistrant l'évolution temporelle et spectrale (rayons X mous de quelques keV). Les chercheurs observent une diminution du flux de rayons X de 60% durant la campagne d'observation. Le fait qu'à cette baisse d'intensité semble également liée une variation de la structure temporelle des pulsations (une augmentation de la durée des pulses à fréquence constante), mène Hu et ses collaborateurs à penser que l'émission de rayons X est due à un "point chaud" à la surface de l'étoile à neutrons qui était en train de disparaître : ils modélisent une diminution de la surface d'émission de 30% pendant la durée de la campagne d'observation.
Sachant que Swift J1818.0-1607 se situe à une distance d'environ 6,5 kpc (21200 années-lumière), la puissance produite peut être calculée à partir de la luminosité observée : celle associée à l'émission X à son pic est 3,5 fois inférieure à la luminosité associée au ralentissement de la rotation. La puissance thermique résiduelle est quant à elle 10 fois plus faible (1,7 1034 erg.s−1), une valeur qui est plus faible que ce qui est rencontré typiquement dans les jeunes magnétars.
Swift J1818.0-1607 apparaît donc être un objet unique qui permet aujourd'hui de tisser un lien précieux entre les magnétars et les pulsars classiques et de mieux comprendre ces objets parmi les plus extrêmes que nous connaissons.
Source
NICER Observation of the Temporal and Spectral Evolution of Swift J1818.0−1607: A Missing Link between Magnetars and Rotation-powered Pulsars
Chin-Ping Hu et al.
The Astrophysical Journal, Volume 902, Number 1 (2020 October 7)
Illustration
Vue d'artiste du nouveau magnétar Swift J1818.0−1607 (Ryuunosuke Takeshige)
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