Lorsque des étoiles massives meurent dans des supernovas de type II, le noyau de l'étoile morte devient un pulsar, une étoile à neutrons à rotation rapide et hautement magnétisée de 20 km de diamètre, qui crache un vent de particules chargées électriquement en mouvement rapide. Ce "vent" de pulsar porte un champ magnétique puissant qui génère un nuage de gaz qu'on appelle nébuleuse de vent de pulsar, lorsqu'il heurte le matériau environnant, accélérant les particules à des énergies potentiellement très élevées. Fei Xie (université de Guangxi) et ses collaborateurs ont imagé le champ magnétique dans la zone d'accélération de la nébuleuse de vent du pulsar Vela, révélant une structure étonnamment très ordonnée et symétrique. Cela pourrait contribuer à faire la lumière sur les raisons pour lesquelles ces nébuleuses comptent parmi les accélérateurs de particules les plus puissants que l'on connaisse. Au cours des deux dernières décennies, le télescope à rayons X Chandra a permis des vues rapprochées de plusieurs nébuleuses de vent de pulsar, mais l'imagerie directe des champs magnétiques responsables de leur rayonnement à haute énergie n'avait pas été possible. Pour visualiser les champs magnétiques, les chercheurs utilisent les propriétés de la lumière émise lorsque les particules sont accélérées, le processus connu sous le nom d'émission synchrotron.
Ce type de rayonnement est généré lorsque des champs magnétiques courbent les trajectoires de particules relativistes, et il peut être émis avec des longueurs d'onde allant des ondes radio aux rayons X. On s'attend à ce que le champ électromagnétique des photons émis par le rayonnement synchrotron oscille dans une direction, perpendiculaire à celle du champ magnétique de la nébuleuse (la polarisation du rayonnement synchrotron). Ainsi, mesurer la direction de cette polarisation peut révéler dans quelle direction pointe le champ magnétique, la direction perpendiculaire.
L'apparition d'une nébuleuse de vent pulsar est associée à choc de terminaison et ressemble à un arc de rayons X, qui apparaît généralement à une courte distance du pulsar. Les astrophysiciens pensent que les énergies des particules sont amplifiées précisément au choc de terminaison, bien que le mécanisme par lequel cela se produit reste un sujet de débat intense. L'imagerie du champ magnétique entraînant l'accélération est donc cruciale pour résoudre cette question. La polarisation des rayons X offre une sonde directe de la géométrie du champ magnétique dans la zone d'accélération, où le pulsar déverse son vent de particules et émet un rayonnement à haute énergie. Xie et ses nombreux collaborateurs ont utilisé les données d'émission de rayons X de la nébuleuse du vent du pulsar de Vela pour déduire la géométrie de son champ magnétique avec le télescope Imaging X-Ray Polarimetry Explorer (IXPE) de la NASA, qui a été lancé en décembre 2021. Ils montrent que le champ magnétique forme une structure symétrique et très ordonnée en mesurant comment varie la polarisation tout autour du pulsar. Ils trouvent une valeur de polarisation linéaire qui atteint jusqu'à 62,8%, avec des directions qui varient de façon très symétrique de part et d'autre du jet émanant du pulsar.
Avant la mission IXPE, la seule mesure de polarisation des rayons X était celle de la nébuleuse du Crabe, signalée pour la première fois en 1976. La nébuleuse Vela est beaucoup plus ancienne que le Crabe, mais lui ressemble lorsqu'elle est vue avec le télescope à rayons X Chandra. Avec une distance d'environ 300 parsecs, Vela est également beaucoup plus proche de la Terre que le Crabe, ce qui permet d'obtenir une meilleure résolution. Vela s'est formée lorsqu'une étoile massive a explosé il y a entre 10 000 et 20 000 ans, laissant derrière elle un résidu de supernova couvrant aujourd'hui environ 16 pleines lunes dans le ciel.
Les observations de Chandra avaient déjà révélé que deux arcs de rayons X brillants croisent un jet en forme de flèche émanant du pulsar dans les deux directions opposées. Ces observations avaient également révélé que le jet était aligné avec la direction du mouvement du pulsar dans le résidu de supernova. Maintenant, IXPE a permis l'imagerie directe du champ magnétique de la nébuleuse. Xie et ses collaborateurs révèlent que le champ magnétique suit la forme de beignet attendue, et que la quantité de polarisation atteint le maximum absolu autorisé par la théorie du rayonnement synchrotron. La polarisation mesurée varie légèrement avec l'énergie et la position, mais elle est élevée à travers toute la nébuleuse et reste supérieure à toute polarisation de rayons X précédemment mesurée dans une source cosmique, y compris le Crabe.
Les chercheurs estiment donc que l'environnement de Vela serait plus efficace pour créer de l'ordre que l'environnement du Crabe, car fournissant une émission de rayons X qui ne serait pas polluée par des gaz chauds ou des flux turbulents. Le point qui étonne Xie et ses collaborateurs est le fait que cet ordre soit maintenu à une échelle qui va au-delà de la nébuleuse compacte, s'étendant dans la partie de la nébuleuse radio qui abrite des particules plus anciennes et moins énergétiques que celles proches du pulsar. Cela intrigue les astrophysiciens car les nébuleuses d'âge moyen, tels que Vela, devraient avoir été écrasées par un choc inverse qui rebondit à travers les couches éjectées de l'étoile, introduisant un certain désordre dans le processus. La courbure du champ magnétique dans la nébuleuse externe est cohérente avec ce scénario, car elle n'est pas parfaitement symétrique. Mais un champ magnétique hautement ordonné défie les modèles prédisant que les écoulements instables ou la turbulence jouent un rôle clé dans l'accélération des particules dans les vents ultra-relativistes. En modélisant les arcs et les jets de rayons X observés à la fois dans les nébuleuses de Vela et du Crabe, des chercheurs avaient avancé des théories suggérant qu'une fraction substantielle de l'énergie magnétique dans ces nébuleuses devait être stockée dans une composante turbulente ou fortement désordonnée. Mais Xie et al . montrent que ce n'est pas le cas pour Vela, et ils suggèrent que d'autres processus, tels que la reconnexion relativiste (un processus qui brise et reconnecte les champs magnétiques dans un plasma relativiste), pourraient dynamiser les particules proches du choc de terminaison. Ces observations de la nébuleuse Vela grâce à IXPE remettent donc en question les modèles d'accélération de particules qui impliquent la turbulence, et suggèrent que certaines des simulations les plus avancées des vents de pulsar doivent être revisitées. Ou bien, l'environnement de Vela est-il singulier ? Malheureusement, IXPE a une résolution d'image d'environ 30 secondes d'arc, soit environ 0,04 parsecs pour des objets aussi éloignés que Vela, ce qui est comparable à la distance qui sépare les arcs de rayons X brillants de Vela, et donc limite notre capacité à étudier le rôle de la turbulence à ces échelles. La turbulence pourrait encore agir mais à des échelles ou à des énergies hors de portée de IXPE.
Vela apparaît en tous cas parfaite pour visualiser de près les champs magnétiques dans les nébuleuses de vent de pulsar. Bien qu'elle soit d'âge moyen, ses rayons X hautement polarisés ont dévoilé le champ invisible au cœur de la nébuleuse et dans sa zone d'accélération. L'étude de Xie et ses collègues offre donc de l'espoir pour les nombreux autres objets similaires qui constituent la majorité des accélérateurs de notre Galaxie et IXPE vient seulement de fêter sa première année en orbite...
Source
Vela pulsar wind nebula X-rays are polarized to near the synchrotron limit
Fei Xie et al.
Nature volume 612, (21 december 2022)
Illustrations
1. Mesures de la polarisation des rayons X dans le pulsar de Vela par IXPE (Xie et al.)
2. L'émission X de Vela imagée par Chandra (NASA)
3. Schéma de la structure de l'émission de rayons X autour du pulsar de Vela (Nature)
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