14/01/22

Détection d'une exolune candidate à 5500 années-lumière


Une deuxième exolune candidate vient d’être découverte autour d’une planète de la taille de Jupiter nommée Kepler-1708 b et située à 5500 années-lumière. Cette exolune serait beaucoup plus grosse que la Terre… L’étude est parue dans Nature Astronomy.

La première observation d’une exolune remonte à 2018 et nécessite encore d’être confirmée. Il s’agissait de la détection autour de la planète Kepler-1625 b d’un corps de la taille de Neptune, une très grosse lune…, par la même équipe que celle qui signe l’article d’aujourd’hui, menée par David Kipping (Columbia University). Celle nouvelle exolune candidate, qui est dénommée Kepler-1708 b-i serait 30% plus petite que la précédente (un rayon 2,6 fois plus grand que celui de la Terre), ce qui en fait toujours un beau spécimen. Elle orbiterait à une distance égale à 12 rayons planétaires de Kepler-1708 b.
Les deux lunes candidates sont probablement constituées de gaz qui s’est accumulé sous l'effet de la force gravitationnelle exercée par leur taille énorme selon les chercheurs. Si l'hypothèse est correcte, ces lunes pourraient même avoir commencé leur vie en tant que planètes, avant d'être capturées par une planète encore plus grosse, comme Kepler 1625b ou Kepler-1708 b. Kepler-1708 b, a néanmoins la particularité d’être située loin de son étoile hôte, à 1,6 UA, où la gravité est moindre pour attirer les planètes ou les dépouiller de leurs lunes.
La présence d’une grosse lune est détectée en observant finement la forme de la courbe de luminosité de l’étoile lorsque la planète fait un transit devant. L’occultation n’apparaît alors pas tout à fait symétrique, ce qui peut se distinguer sur la courbe de luminosité. Cette méthode fonctionne bien évidemment avant tout pour des très grosses lunes, les plus petits corps ne produisant pas suffisamment d’atténuation pour être détectables. Avant de trouver Kepler-1708 b-i, Kipping et ses collaborateurs ont scruté un échantillon sélectionné de 70 planètes géantes froides à orbite étendue dans le catalogue des exoplanètes découvertes avec le télescope Kepler. Les chercheurs se sont focalisés sur la recherche de planètes gazeuses géantes et froides sur des orbites larges, parce que les analogues dans notre propre système solaire, Jupiter et Saturne, sont connues pour être entourées de plus d’une centaine de lunes à elles deux.


Et ils en ont trouvé qu’une seule sur les 70 qui montrait un signe robuste de grosse lune en orbite, même si leur résultat n’est fondé sur l’observation que de deux transits seulement. Mais des observations d'autres télescopes spatiaux, comme Hubble, seront nécessaires pour vérifier la découverte, un processus qui pourrait prendre des années. On n’est pas complètement à l’abri d'une fluctuation dans les données, due à l'étoile ou au bruit instrumental, c’est pourquoi on parle de lune « candidate », qu’il reste à confirmer. Kipping et ses collaborateurs estiment la probabilité d’un faux positif à 1%.
Kipping et ses collaborateurs discutent ensuite l’origine de ce type de grosse lune en orbite d’une planète de la taille de Jupiter. La première idée qu’ils développent est celle d’une migration orbitale à partir des interactions de marée avec Kepler-1708 b. Ils ont développé pour cela un modèle de marée à décalage temporel constant en utilisant les paramètres du système. Ils ont fait évoluer le modèle sur 10 milliards d’années, en supposant que la lune se forme in situ à deux fois la limite de Roche et que la planète a une période de rotation initiale de 5 à 10 h. Sur cette échelle de temps, la lune se forme bien au-delà du rayon de corotation et migre ensuite lentement vers l'extérieur. Dans le modèle, sur 10 milliards d’années, la lune migre à 20 rayons planétaires, ce qui reste à la fois bien dans la limite de stabilité et est cohérent avec la valeur trouvée de 12 rayons planétaires.
Il existe plusieurs grands scénarios pour la formation des lunes : les collisions planète-planète qui produisent des débris, la formation de lunes au sein de disques circumplanétaires gazeux (par exemple les lunes galiléennes de Jupiter), ou la capture directe. Pour une planète gazeuse, il est peu probable que le premier scénario produise un disque de débris suffisamment massif pour former une lune de cette taille. Kepler-1708 b-i se situe également à l'extrémité de la gamme de masse produite par les disques primordiaux dans l'image traditionnelle de la formation des planètes géantes, mais elle est plus facile dans le cas où les planètes se forment par instabilité du disque. De tels modèles produisent aussi naturellement des lunes sur des orbites à faible inclinaison, ce qui semble être le cas ici. La capture directe est également possible, bien que la gamme de paramètres pour une capture sans fusion soit limitée, donc moins probable. Une capture peut produire de grandes lunes avec un rayon de l’ordre de ~10 Jupiter, et avec une large gamme d'inclinaisons.

Pour David Kipping et ses collaborateurs, la formation et les propriétés d'une lune telle que Kepler-1708 b-i défient les conventions, un peu comme lorsque les premiers Jupiter chauds ont été découverts à la fin des années 1990. Certes des mécanismes plausibles ont été proposés. Mais les chercheurs précisent toutefois que la réalité des exolunes telles que Kepler-1708 b-i et Kepler-1625 b-i nécessitera d’être confirmée par exemple par un suivi photométrique des transits, car leur nature étonnante et les preuves de leur existence exigent le même scepticisme que celui qui prévalut lors de la découverte des premières exoplanètes. 

Source

An exomoon survey of 70 cool giant exoplanets and the new candidate Kepler-1708 b-i
David Kipping, Steve Bryson, Chris Burke, Jessie Christiansen, Kevin Hardegree-Ullman, Billy Quarles, Brad Hansen, Judit Szulágyi & Alex Teachey
Nature Astronomy (13 january 2022)


Illustrations 

1. Vue d'artiste d'une exolune autour d'une planète géante (ESA)
2. Courbe de luminosité mesurée au cours des deux transits devant Kepler-1708 b (Kipping et al.) 

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