03/05/23

Observation directe d'une étoile engloutissant une planète


Pour la première fois, des astronomes ont surpris une étoile en train d'avaler une planète de la taille d'une grosse Jupiter. L'étoile semblable au Soleil mais deux fois plus vieille, appelée ZTF SLRN-2020 à produit un flash de lumière au moment où la planète s'est retrouvée à l'intérieur de l'enveloppe stellaire. L'étude est publiée aujourd'hui dans Nature.

On le sait, en gonflant avec l'âge, les étoiles de type solaire finiront par ingérer leurs planètes en orbite interne. Le Soleil le fera dans 5 milliards d'années environ, consommant Mercure, Vénus et probablement la Terre. Mais personne n'avait encore vu de preuves directes de ce scénario jusqu'à présent. Kishalay De (MIT) et ses collaborateurs ont repéré ZTF SLRN-2020 avec le Zwicky Transient Facility (ZTF) un instrument qui scrute le ciel chaque nuit depuis l'observatoire Palomar en Californie. Les observations du ZTF ont montré que l'étoile avait connu une forte luminosité transitoire qui s'est estompée sur une période d'environ une semaine. Au début, De et ses collaborateurs pensaient pensaient avoir à faire à 'une explosion de nova, qui se produit lorsqu'une naine blanche accrète de la matière d'une compagne à sa surface. Mais des observations de suivi avec l'observatoire Keck à Hawaï ont ensuite révélé qu'il se passait autre chose. Les données de Keck indiquaient que l'étoile ne brûlait pas de gaz chaud comme prévu pour les novas. Ce n'est qu'un an plus tard que les chercheurs se sont à nouveau penchés sur le cas de ZTF SLRN-2020, qui s'est avérée être une étoile très ressemblante au Soleil mais deux fois plus âgée, avec 10 milliards d'années au compteur. De et ses collègues ont obtenu des données en infrarouge à l'aide d'une caméra à grand champ du télescope Hale de Palomar et ces observations ont montré que l'étoile était plus lumineuse non seulement en lumière visible comme l'avait observé ZTF, mais aussi en infrarouge, ce qui indiquait la présence de poussière.
Les chercheurs se sont ensuite tournés vers le télescope spatial NEOWISE à la recherche de plus d'indices. NEOWISE, anciennement connu sous le nom de WISE (Wide-field Infrared Survey Explorer), scanne régulièrement le ciel depuis son lancement en 2009. Et NEOWISE avait détecté l'étoile s'illuminant dans l'infrarouge environ neuf mois avant que ZTF ne capte l'augmentation extrême de la lumière visible. Et encore maintenant, alors que le flash de lumière visible s'est estompé, NEOWISE continue de capter du rayonnement infrarouge provenant de l'étoile.
C'est cette signature infrarouge atypique qui a mis les chercheurs sur la piste d'un engloutissement de planète. Les chercheurs ont établi que la poussière qu'ils voyaient avec NEOWISE était générée alors qu'une planète était en train de spiraler à l'intérieur de l'atmosphère gonflée de l'étoile. L'étoile avait commencé à grossir en vieillissant, la rapprochant de la planète en orbite, et alors que la planète effleurait la surface de l'étoile, selon les chercheurs, elle aurait retiré du gaz chaud de l'étoile qui a ensuite dérivé vers l'extérieur et s'est refroidi, formant de la poussière. De plus, les matériaux constituants de la planète en train de se désintégrer ont eux aussi été soufflés pour partie vers l'extérieur, formant également de la poussière. C'est ce qui s'est passé par la suite, selon les astronomes, qui a déclenché l'éruption de lumière visible vue par ZTF : La planète a plongé vers le noyau de l'étoile et a été littéralement avalée. Durant cette phase courte, de l'énergie a été transférée à l'étoile et l'étoile a alors soufflé ses couches externes pour se débarrasser de l'énergie excédentaire. Elle s'est dilatée d'avantage et est devenue encore plus lumineuse, le flash que ZTF a enregistré.
Et De et ses collaborateurs expliquent qu'une partie de ces couches externes expulsées s'est également refroidie pour former de la poussière. C'est finalement toute la poussière que NEOWISE détecte dans l'infrarouge, issue des différentes phases de l'engloutissement de la planète. Un tel engloutissement planétaire est similaire à ce qui se passe lorsque deux étoiles fusionnent, des événements qu'on appelle des novas rouges. Vingt fusions d'étoiles de ce type ont été détectées à ce jour par ZTF et d'autres instruments, principalement dans des galaxies externes. Mais les fusions d'étoiles sont des milliers de fois plus brillantes que cet événement ZTF SLRN-2020. C'est à partir de la quantité de poussière éjectée avant le flash de lumière visible que les chercheurs estiment la masse de la planète, en utilisant une modélisation de la production de poussière. Ils trouvent ainsi une masse égale à 10 MJupiter. La durée globale de la courbe de lumière suggère quant à elle une vitesse d'éjection de masse d'environ 30 km/s, ce qui est sensiblement inférieur à la vitesse d'échappement stellaire. Les chercheurs utilisent cette donnée pour mieux comprendre la façon dont l'engloutissement planétaire pourrait affecter l'étoile hôte. Ils précisent que plus la planète engloutie est petite, moins la perturbation de l'étoile primaire est dramatique et plus petite est la fraction de matière qui devrait être éjectée à des vitesses suffisamment élevées pour devenir non liée. Et ils montrent que la phase de plateau de courte durée (environ 25 jours) qui a été observée dans ZTF SLRN-2020 peut être alimentée par l'éjection et la libération d'une petite quantité de masse (moins d'environ 10-4  M) à des vitesses proches de la vitesse d'échappement stellaire (qui vaut ici environ 100 km/s).
Le rayon de ZTF SLRN-2020 est resté à peu près constant pendant le plateau mais a décru pendant la phase de baisse de luminosité, similaire à ce qui est attendu dans une contraction gravitationnelle suite à une fusion. Selon De et ses collaborateurs, ces caractéristiques suggèrent que la décroissance tardive de luminosité infrarouge qui a duré 100 jours environ devait être alimentée par le réajustement hydrodynamique et thermique de l'étoile suite à l'ingestion de sa planète.
Pour les chercheurs, l'interprétation de ZTF SLRN-2020 comme un événement d'engloutissement d'un objet de masse planétaire par une étoile semblable au Soleil fournit la preuve d'un chaînon manquant dans notre compréhension de l'évolution et du destin final des systèmes planétaires. Le phénomène d'absorption de planètes à courte période dont les orbites sont devenues instables est d'ailleurs cohérent avec le manque apparent de systèmes planétaires anciens avec des courtes périodes orbitales, ainsi qu'avec la pénurie de planètes proches orbitant autour d'étoiles sous-géantes. Cette observation de ZTF SLRN-2020 est précieuse car elle offre le premier aperçu direct de l'effet de l'engloutissement planétaire par une étoile.
Avec des prédictions de taux empiriques et théoriques qui vont de 0,1 à plusieurs par an pour ces "novas rouges sublumineuses", les prochains relevés optiques et infrarouges combinés dans le plan galactique pourraient montrer de nombreux événements similaires via leurs explosions dans le visible de courte durée accompagnées d'une émission infrarouge de longue durée. 

Source

An infrared transient from a star engulfing a planet
Kishalay De et al.
Nature volume 617 (3 may 2023)
Illustration

Vue d'artiste de l'engloutissement de la planète par ZTF SLRN-2020 (K. Miller/R. Hurt (Caltech/IPAC))

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