03/10/21

Un nouveau FRB répétitif localisé, le septième...

Parmi les 791 sursauts radio rapides (FRB) qui ont été détectés à ce jour, il existe 24 sources connues qui en produisent de manière répétitive, dont 2 avec une certaine période. Et tous ces sursauts ont aussi permis de localiser 19 sources avec précision dans des galaxies. Mais seules 6 de ces FRB localisés sont du type répétitif. Aujourd'hui, les radioastronomes de la collaboration CHIME/FRB annoncent la localisation d'un septième FRB répétitif dans une galaxie relativement proche, située à "seulement" 65 millions d'années-lumière. Ils publient leur étude dans The Astrophysical Journal Letters.

Ce FRB est nommé FRB 20181030A, il a donc été détecté pour la première fois le 30 octobre 2018, avec deux sursauts le même jour (les indices A et B), puis il l'a été à nouveau le 12 janvier 2020 avec 7 sursauts. Tous les FRB qui ont pu être localisés, à l'exception d'un récent (FRB 20200120E dans M81) sont tous situés à des grandes distances (un redshift compris entre 0,03 à 0,66, donc entre 400 millions et 6 milliards d'années-lumière). A de telles distances, l'étude détaillée de l'environnement local des FRBs est très limitée par la sensibilité de nos télescopes actuels. 

De plus, les FRBs ne sont jusqu'à présent observés qu'aux longueurs d'onde radio et aucune émission de rémanence convaincante n'a été signalée à ce jour. Cependant, des émissions de rayons X en coïncidence avec des sursauts radio de type FRB ont été détectés dans le magnétar galactique SGR 1935+2154, ce qui suggère qu'au moins certains FRBs pourraient avoir des émissions de rayons X rapides. Une telle émission de rayons X ne peut actuellement être détectée que pour les FRBs proches (< 50 Mpc, < 160 millions d'années-lumière).

Le cas de FRB 20200120E dans M81 est très intéressant car la galaxie se situe à seulement 3,6 Mpc et il s'est répété 3 fois. Le FRB dont il est question aujourd'hui est certes un peu plus éloigné, à 20 Mpc, mais il a déjà produit 9 sursauts. Ces deux FRB répétitifs localisés dans des galaxies relativement proches, dans ce qu'on appelle l'Univers local vont être d'excellents candidats pour des observations à  multi-longueurs d'onde qui pourraient fortement contraindre la nature des géniteurs de ces FRB.

Ce sont les sursauts répétés de janvier 2020 qui ont permis à Mohit Bhardwaj (McGill University,) et ses collaborateurs de CHIME/FRB de trouver la galaxie hôte de cet objet. Les deux sursauts d'octobre 2018 n'avaient pas fourni une localisation suffisamment précise. Les chercheurs avaient seulement pu exclure une origine dans notre galaxie. Mais avec les 7 nouveaux sursauts, une localisation avec une précision de quelques minutes d'arc a pu être obtenue (une zone de 5,3 minutes d'arc²), soit une amélioration de plus d'un facteur de 200 dans la zone de localisation. Dans cette petite zone, les radioastronomes ont identifié sept galaxies. Parmi ces sept galaxies se trouvaient 6 galaxies naines à grand redshift, et une galaxie spirale nommée NGC 3252 qui est la seule à avoir un redshift inférieur à la limite de 0,05 qui a été fixée par les chercheurs d'après les caractéristiques spectro-temporelles des sursauts.  Bhardwaj et ses collaborateurs concluent que NGC 3252 est l'hôte la plus probable de FRB 20181030A. La probabilité qu'il s'agisse d'une coïncidence fortuite est en effet inférieure à 0,25%.

Connaissant la distance de cette source de FRB (z=0.0039, soit 20 Mpc), les chercheurs peuvent estimer la luminosité maximale d'une source radio compacte persistante qui pourrait émaner de cet objet et la comparer avec le cas d'une source de ce même type : FRB 20121102A, un FRB célèbre pour avoir été le premier répétitif et qui montre à la fois des sursauts répétés et une faible émission radio persistante. Bhardwaj et ses collaborateurs trouvent une valeur maximale de 2 × 1026 erg s−1.Hz−1 à 3 GHz. C'est 1500 fois plus faible que ce qui est vu sur la source persistante de FRB 20121102A.

Chose intéressante également, en cherchant dans les archives de divers télescopes concernant la zone de la galaxie NGC 3252, qui est une galaxie spirale à forte formation stellaire, les chercheurs de CHIME/FRB ont découvert que le télescope gamma Fermi avait détécté un signal en coïncidence avec le premier des 7 sursauts du 22 janvier 2020 en tirent une valeur limite de l'énergie de l'éruption de rayons X qui serait associée au sursaut radio, et qui vaut ≈ 1046 erg s−1

L'équipe a donc naturellement comparé les sursauts radio de FRB 20181030A avec ceux du magnétar SGR 1935+2154 qui avait pour la première fois produit la première éruption X visible en coïncidence en avril 2020. Ils montrent que la luminosité isotrope des sursauts de FRB 20181030A  est environ 6 fois plus grande que celle de SGR 1935+2154. Ils estiment alors une limite inférieure sur le taux volumique des FRB qui ont une luminosité supérieure à 1038 erg s-1. Et ils en concluent que de nombreux FRBs de faible luminosité pourraient être produits par des magnétars. Mais pour eux, il est peu probable que la plupart des progéniteurs de FRBs répétitifs soient de jeunes magnétars milliseconde, ils estiment qu'il doit coexister de multiples canaux de formation de FRBs répétitifs.
Les chercheurs notent pour finir que parmi les sept FRB répétitifs localisés, FRB 20181030A est très cohérent avec 5 d'entre eux : les galaxies hôtes forment un continuum de propriétés en termes de luminosités, de masses stellaires, de métallicité de taux de formation stellaire, allant de FRB 20121102A, dans une galaxie irrégulière naine pauvre en métaux et à forte formation d'étoiles, à FRB 20200120E, dans une galaxie spirale massive de type précoce riche en métaux. Ce sont toutes des galaxies spirales ou irrégulières dans lesquelles ont lieu toutes sortes de supernovas à effondrement de coeur pouvant produire des magnétars (type IIn, IIb et Ib/c). Seul 20200120E localisé dans M81 sort un peu du lot car il a pu être localisé très précisément (grâce à sa faible distance) dans un amas globulaire de la galaxie M81. Or on ne s'attend généralement pas à voir des supernovas à effondrement de coeur dans les amas globulaires.
Il va donc falloir un échantillon plus grand de FRB répétitifs localisés (et si possible proches et de forte luminosité) pour mieux connaître l'environnement immédiat de ces sources encore sujettes à débat, afin de savoir ce qu'elles sont.


Source

A Local Universe Host for the Repeating Fast Radio Burst FRB 20181030A
Mohit Bhardwaj et al.
The Astrophysical Journal Letters, Volume 919, Number 2 (30 septembre)


Illustration

Zone d'origine de FRB 20181030A (ellipse) et repérage de 7 galaxies hôtes candidates, dont la gagnante, numérotée 4 : la galaxie spirale  NGC 3252 (Bhardwaj  et al.)

2 commentaires :

LUXORION a dit…

En 2021, parmi le bon millier de FRB découverts, les astronomes ont identifié 19 FRB répéteurs (Repeating FRBs) dont l'émission s'est répétée au moins une seconde fois.
Lire:
https://arxiv.org/abs/1908.03507
https://iopscience.iop.org/article/10.3847/2041-8213/ab7208

Dr Eric Simon a dit…

je ne parle pas du nombre de répéteurs, ce 7ème est le septième LOCALISé !