Il y avait les Fast Radio Bursts (FRB), et maintenant nous avons des Ultra Fast Radio Bursts. Une équipe de radioastronomes vient de découvrir des sursauts radio en provenance du célèbre FRB 20121102A qui ne durent que quelques microsecondes seulement, alors que les autres sursauts de ce FRB répétitif durent environ 0,5 millisecondes... la découverte est publiée dans Nature Astronomy.
Les sursauts radio rapides (FRB) sont des émissions transitoires d'origine extragalactiques d'ondes radio d'une durée typique de quelques millisecondes. Il a cependant été démontré que les FRB présentent une large gamme d'échelles de temps : certains pouvant durer jusqu'à quelques secondes. Sonder les FRB sur différentes échelles de temps est crucial pour comprendre la physique de leurs émissions et comment les détecter efficacement. FRB 20121102A est célèbre parce que c'est la première source FRB répétitive connue. Depuis sa découverte, elle a produit plusieurs milliers de sursauts radio.
Non seulement sa nature répétitive a exclu les modèles cataclysmiques comme explications de tous les FRB, mais il a également été le premier FRB à être localisé avec précision dans une galaxie, confirmant les distances extragalactiques des FRB. FRB 20121102A est situé à la périphérie d'une région de formation d'étoiles dans une galaxie naine à une distance d'environ 1 Gpc. L'émetteur FRB est associé à une source radio persistante compacte, ce qui montre qu'il pourrait se trouver à proximité d'un trou noir massif. Ceci est en outre étayé par la découverte que FRB 20121102A se trouve dans un environnement magnéto-ionique extrême et dynamique, comme le montre la mesure de rotation de Faraday de ces ondes radio, qui est exceptionnellement élevée et variable.
Alors que la plupart des campagnes d'observation recherchent des FRB sur des échelles de temps de l'ordre de la milliseconde, dans certains cas, les données enregistrées permettent de sonder l'émission sur des échelles de temps beaucoup plus courtes. Il a ainsi pu être montré que FRB 20121102A présente parfois des caractéristiques temporelles relativement étroites au sein d'une enveloppe plus large. Plus récemment, il a aussi été démontré que les FRB répétitifs FRB 20180916B et FRB 20200120E avaient des sous-structures temporelles dans leurs sursauts avec des durées de l'ordre de la microseconde, voire de quelques dizaines de nanosecondes, respectivement. À ce jour, ces variations à courte échelle n’ont été observées que dans des enveloppes de sursauts plus larges avec des durées d’au moins 0,1 ms ou plus. Concernant FRB 20121102A, les échelles de temps inférieures à des dizaines de microsecondes sont restées inexplorées à ce jour.
M. P. Snelders (université d'Amsterdam) et ses collaborateurs viennent donc de combler cette lacune et le résultat est à la hauteur de leurs attentes. Ils ont réanalysé des enregistrements effectués à 8 GHz avec le Green Bank Telescope en août 2017 par Gajjar et al., qui avaient recherché des sursauts à une résolution temporelle de 350 μs, ce qui avait permis de découvrir 21 sursauts au cours de la première heure d'un bloc d'observation de 5 heures, avec 18 sursauts se produisant au cours des 30 premières minutes...
En reprenant les données brutes de ces 30 premières minutes, Snelders et ses collaborateurs montrent que FRB 20121102A a produit 19 autres sursauts isolés qui n'avaient pas été détectés précédemment dans ces 30 minutes de données. Et parmi ces 19 sursauts, 8 sont des sursauts d'une durée de quelques microsecondes seulement, et il ne s'agit pas de sous-sursauts au sein de sursauts plus longs cette fois. Ils parlent donc de sursauts ultra-rapides d'ondes radio, ou ultra FRB.
Snelders et ses collaborateurs montrent que les propriétés polarimétriques de ces 8 sursauts d’une durée inférieure à 15 µs ressemblent à celles des sursauts de plus longue durée, ce qui suggère un mécanisme d’émission commun produisant des FRB dont la durée s’étend sur trois ordres de grandeur (un facteur 1000). Le plus court de ces 8 sursauts ultra-rapides n'a duré que 4 µs... En détectant et en caractérisant ces sursauts d'une durée de l'ordre de la microseconde, les chercheurs montrent qu'il existe une population de sursauts radio ultra-rapides qui sont manqués dans les recherches actuelles de FRB à grand champ, en raison d'une résolution temporelle insuffisante. Ces résultats indiquent que les FRB se produisent plus fréquemment et avec une plus grande diversité qu’on ne le pensait initialement. Cela pourrait également influencer notre compréhension des distributions d’énergie, de temps d’attente et de taux d'émission.
Les ultra-FRB isolés fournissent une meilleure contrainte sur la taille de la région d'émission, car selon les chercheurs, il est peu probable qu'ils soient générés par des effets de propagation qui modulent la luminosité du burst après l'émission. La durée extrêmement courte du sursaut B30 (4 µs) contraint ainsi la région d’émission à être inférieure à quelques kilomètres (en ignorant tout effet relativiste potentiel). Cela favorise les modèles dans lesquels les sursauts sont générés à proximité immédiate du "moteur central" (l'étoile à neutrons, par opposition aux modèles dans lesquels les sursauts sont générés beaucoup plus loin lors d'un choc relativiste.
Pour Snelders et ses collaborateurs, il est possible que les sursauts d'une durée de l'ordre de la microseconde soient également présents, voire plus courants, dans les FRB non répétitifs, parce qu'on sait qu'ils sont en général plus courts que les sursauts répétés. Le fait que les sursauts ultra-rapides aient jusqu'à présent été détectés dans un FRB répétitif est probablement dû aux observations de suivi à haute résolution temporelle qui sont réalisées pour ces sources. Cela pourrait aussi tout simplement être dû au fait que davantage d’impulsions individuelles ont été observées et étudiées avec les FRB répétitifs. Il existe un peu plus de 500 FRB uniques dans le premier catalogue CHIME/FRB, mais ils n'ont pas la résolution temporelle requise pour rechercher des sursauts de très courte durée comme ici hélas.
L'ouverture d'une gamme plus large d'échelles de temps pour la détection des FRB va à n'en pas douter conduire à l'identification de nouveaux types de sources de FRB et en même temps fournir aux astrophysiciens des sondes encore plus précises du plasma magnétisé qui entoure les étoiles neutrons.
Source
Detection of ultra-fast radio bursts from FRB 20121102A
Mark Snelders et al.
Nature Astronomy (13 october 2023)
Illustrations
1. Diagrammes temps-fréquence des 8 sursauts ultra-rapides détectés (Snelders et al.)
2. Mark Snelders
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