jeudi 10 février 2022

Découverte du premier astéroïde quadruple


Des chercheurs français publient la découverte du premier astéroïde quadruple : (130) Elektra, un astéroïde comportant trois petits satellites. Son troisième satellite a été identifié grâce à un traitement très élaboré d’images d’archives qui avaient été enregistrées en décembre 2014. Il a une taille estimée de 1,6 km. Cette découverte est parue dans Astronomy&Astrophysics.

Depuis la découverte d'un satellite orbitant autour de l'astéroïde (243) Ida en 1993 par la sonde Galileo, puis autour de (45) Eugenia avec un télescope terrestre en 1999, plus de 150 astéroïdes binaires ont été découverts parmi les astéroïdes proches de la Terre, ceux de la ceinture principale, les Troyens et les objets de la ceinture de Kuiper. Bien que beaucoup moins fréquents, les systèmes triples ne sont pas non plus exceptionnels, avec plus d'une dizaine de systèmes connus à ce jour dans la ceinture principale. Les systèmes multiples présentent un intérêt particulier car ils permettent de déterminer la masse d'un système et donc de restreindre les mécanismes de formation possibles (fission rotationnelle, grandes collisions, etc.). (130) Elektra (ou Elektra, pour faire court), est un grand astéroïde (199 km de diamètre) de la ceinture principale qui a été découvert en 1873 entre Mars et Jupiter. C’est en 2003 que fut découvert une première petite lune de 6 km qui orbitait autour, qui fut nommée S/2003 (130) 1. Et en 2014, grâce à l’instrument SPHERE exploitant l’optique adaptative, monté sur le Very Large Telescope de l’ESO, une seconde lune plus petite a été identifiée avec un diamètre de 2 km : S/2014 (130) 1. Pour dénicher des objets d’aussi petite taille qui se trouvent à proximité immédiate d’un corps beaucoup plus grand et brillant, les systèmes d'optique adaptative à haute résolution jouent un rôle clé. SPHERE (Spectro-Polarimetric High-contrast Exoplanet REsearch facility) est ce qu’on appelle un système d'optique adaptative extrême, qui repousse les limites du haut contraste et de la haute résolution en imagerie directe. Les principaux objectifs de ces instruments sont la détection et la caractérisation des exoplanètes. Mais les performances inégalées de SPHERE peuvent aussi élargir le domaine de ses principales cibles scientifiques et être utilisées pour d’autres découvertes…
Anthony Berdeu (Institut national astronomique de Thailande) et ses collaborateurs de l’observatoire de Lyon et de l’observatoire de Paris ont réanalysé les données d'archives de 2014 de SPHERE, celles-là même qui avaient offert la découverte de la deuxième lune de Elektra. Ils ont utilisé une nouvelle technique de traitement d’image qui combine un pipeline de réduction de données et un algorithme dédié de reconstruction de la fonction d'étalement pour modéliser le halo de l’astéroïde principal. Cette technique a permis d’analyser au mieux les données brutes qui sont fournies par l’instrument et d’augmenter ses performances. En procédant de la sorte sur les images enregistrées les 9, 30 et 31 décembre 2014, les chercheurs ont alors identifié la présence d'un troisième satellite autour de Elektra. Ce nouveau satellite, nommé officiellement S/2014 (130) 2, mais que les chercheurs appellent plus simplement S3, est le plus interne du système, il a une orbite elliptique et probablement inclinée : Berdeu et son équipe mesurent une excentricité de 0,33 ± 0,05 et une inclinaison de 38° ±19° par rapport à l'axe de rotation de Elektra. Son demi grand-axe est de 344 km, et sa taille est estimée à 1,6 ± 0,4 km. Les astronomes calculent que cette lune a une période de 0,679 ± 0,001 jour autour de Elektra. Les paramètres orbitaux de S3 sont encore mal contraints en raison des configurations défavorables des données fragmentaires disponibles. Les astronomes peuvent néanmoins donner une estimation de la masse de Elektra avec une incertitude pas trop grande grâce aux orbites des trois petits cailloux : elle vaut 7,0 ± 0,3 × 1018 kg (7 millions de milliards de tonnes).
Bien que d'autres données soient nécessaires pour affiner l’orbite de S/2014 (130) 2, alias S3 et contraindre son mode de formation, cette nouvelle détection fait de Elektra le premier astéroïde quadruple, et le deuxième système le plus riche parmi les petits corps du système solaire, après Pluton et ses cinq lunes… Cette découverte montre aussi que des algorithmes dédiés de réduction et de traitement des données modélisant la physique des instruments peuvent repousser plus loin leurs limites de contraste, pour toujours plus de découvertes.
 
Source
 
First observation of a quadruple asteroid - Detection of a third moon around (130) Elektra with SPHERE/IFS
Anthony Berdeu et al.
Astronomy&Astrophysics Volume 658, L4 (8 February 2022)
https://doi.org/10.1051/0004-6361/202142623


Illustration

Identification de la troisième lune de Elektra (Berdeu et al.)

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