Un duo d'astronomes publie la première preuve observationnelle d'une collision en cours entre deux amas d'étoiles dans notre Galaxie : les amas ouverts IC 4665 et Collinder 350 qui sont situés à une distance de 330 pc du Soleil et 100 pc au-dessus du plan galactique. L'étude est publiée dans Monthly Notices of the Royal Astronomical Society Letters.
La Voie Lactée est peuplée de milliers d'amas ouverts et la plupart d'entre eux sont observés comme des objets indépendants. Les amas binaires sont des paires d'amas qui possèdent une petite séparation physique. On estime que près de 10% de la population totale des amas ouverts pourraient être des amas binaires. Mais le nombre de paires physiques qui ont été identifiées par de La Fuente Marcos et al. en 2009 n'atteint que le petit nombre de 34 candidats. Ces chercheurs étaient arrivés à ce résultat après avoir considéré que les amas peuvent se former sous forme de paires, de triplets ou d'amas d'étoiles de multiplicité supérieure. Une autre équipe menée par Conrad a utilisé en 2017 les vitesses radiales du catalogue RAVE (RAdial Velocity Experiment), ainsi que d'autres catalogues, pour identifier seulement 19 paires, et parmi ces paires seulement 14 paires possédaient des séparations physiques inférieures à 100 pc. Et puis en 2018, Soubiran et al. avaient utilisé la base de données Gaia DR2 pour analyser 861 amas ouverts dans le volume de l'espace de phase local à 6D pour identifier les paires d'amas ouverts et n'étaient parvenus à identifier seulement 5 paires physiques. Ils ont alors conclu que tous les amas binaires précédemment identifiés étaient des alignements fortuits.
Les systèmes binaires d'amas ouverts ne sont donc pas très courants dans la Voie Lactée. Une étude de 2010 avait d'ailleurs montré grâce à des simulations que les amas ouverts binaires ne sont pas des systèmes stables sur de longue durée. Les paires d'amas qui se forment initialement ensemble semblent subir rapidement une fusion. Ces simulations montraient que la séparation physique entre les paires culmine à une distance d'environ 25 à 30 pc.
Trouver de véritables paires d'amas ouverts est important car ils constituent des laboratoires idéaux pour contraindre la théorie de la formation et de l'évolution des amas d'étoiles, qui est encore mal comprise.
Andres Piatti (Instituto Interdisciplinario de Ciencias Basicas, Mendoza) et Khyati Malhan (Université de Stockholm) ont découvert dans les données astrométriques de Gaia deux amas qui apparaissent à première vue être une paire : IC 4665 et Collinder 350. Les deux amas sont physiquement séparés par seulement 36 pc. Ils ont tous les deux des mouvements progrades, mais il existe une petite différence dans leurs vitesses (Collinder 350 se déplace ∼5kms-1 plus rapidement que IC 4665). Et quand ils ont mesuré la taille de chacun des amas, les astronomes ont trouvé que les deux amas sont séparés par une distance qui est plus petite que la somme de leurs rayons respectifs..
En outre, les deux amas présentent des distributions de densité stellaire allongées, et les astronomes détectent également un début de pont stellaire inter-amas. Et l'analyse de l'orbite suggère que l'amas le plus jeune, IC 4665 (53 millions d'années) a dû se former à une distance supérieure à 500 pc de Collinder 350 (qui lui est âgé de 617 millions d'années). L'analyse de la cartographie de la densité stellaire des deux amas., de leurs âges, de leur configuration actuelle de l'espace des phases ainsi que de leur évolution orbitale passée dans la Galaxie vont toutes dans le même sens. Comme ces deux amas se sont formés à des époques différentes (500 millions d'années d'écart) et à des emplacements différents dans la galaxie, cela implique selon les chercheurs que ces deux amas ne représentent pas la fusion de deux objets initialement dans un système binaire, mais plutôt à une véritable collision qui est en cours de deux amas formés indépendamment l'un de l'autre.
Dans le futur, Piatti et Malhan annoncent qu'ils vont chercher à savoir si IC 4665 et Collinder 350 va former au final un seul amas (qui présenterait alors une population stellaire multiple avec des âges de 53 et 617 millions d'années), ou bien si les deux amas sont simplement en train de se croiser (et ne subissent seulement une interaction de marée) et continueront à évoluer finalement comme des amas indépendants. De futures simulations à N-corps seront très utiles pour analyser ces scénarios. Dans le cas où les simulations montrent que les deux amas coalescent, il sera important de connaître les propriétés dynamiques finales du système résultant : le système fusionné possède-t-il une rotation nette ? La densité d'un tel système diffère-t-elle de celle des amas initiaux ?
Si les simulations favorisent effectivement le scénario de la fusion durable, cela impliquerait que les observations de la distribution de l'âge et de la métallicité dans les amas d'étoiles ne nécessitent pas nécessairement de multiples épisodes de formation d'étoiles, mais qu'elle pourrait également se produire à la suite d'une collision entre deux amas d'étoiles hébergeant des populations stellaires différentes. Ce phénomène de collision offre une occasion unique d'explorer de nouveaux aspects de la théorie de la formation et de l'évolution des amas d'étoiles.
Source
First evidence of a collision between two unrelated open clusters in the Milky Way
Andrés Piatti et Khyati Malhan
Monthly Notices of the Royal Astronomical Society: Letters, Volume 511 (March 2022)
Illustration
Cartes de densité stellaire des deux amas (Piatti et Malhan)
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