mardi 22 août 2023

Des impacts météoritiques à l'origine du volcanisme de Vénus


Une nouvelle étude de la formation de Vénus explique pourquoi la planète sœur de la Terre n’a pas eu le même destin, et a été submergée par une intense activité volcanique même en l’absence de plaques tectoniques. Tout proviendrait des impacts météoritiques qu’elle aurait subi étant jeune. L’étude est publiée dans 
Nature Astronomy

Malgré leur taille et leur densité similaires, la Terre et Vénus fonctionnent de manière étonnamment distincte, notamment en ce qui concerne les processus qui déplacent des matériaux à travers la planète. Le déplacement des plaques tectoniques sur Terre remodèle continuellement sa surface, des morceaux de la croûte terrestre entrant en collision pour former des chaînes de montagnes et, par endroits, favoriser le volcanisme. On sait que Vénus compte plus de volcans que toute autre planète du système solaire, mais sa surface n'est constituée que d'une seule plaque tectonique. Or on compte plus de 80 000 volcans sur Vénus, soit 60 fois plus que sur Terre, et ces volcans ont joué un rôle majeur dans le renouvellement de la surface de la planète par de nombreux épanchements de lave, qui semblent se poursuivre encore aujourd'hui. Jusqu’à présent, les simulations ont eu du mal à créer des scénarios permettant de supporter un tel niveau de volcanisme sur Vénus. 

Simone Marchi (Southwest Research Institute) et ses collaborateurs ont donc cherché à modéliser l'histoire des premiers impacts sur Vénus afin d'expliquer comment elle a pu conserver une surface en apparence jeune malgré l'absence de tectonique des plaques. Leurs nouveaux modèles montrent que le volcanisme à longue durée de vie qui a été provoqué par les premières collisions énergétiques de météorites sur Vénus offre une explication convaincante du jeune âge de sa surface. Selon les chercheurs, l’activité volcanique massive serait alimentée par un noyau planétaire surchauffé par les nombreux impacts. La Terre et Vénus se sont formées dans le même voisinage du système solaire, lorsque des planetésimaux sont entrés en collision l'un avec l'autre et se sont progressivement combinés pour former les deux planètes rocheuses. Mais les légères différences de distance entre les planètes et le Soleil auraient suffi pour modifier l'histoire de leurs impacts, en particulier le nombre et l'issue de ces événements. Comme Vénus est plus proche du Soleil, elle se déplace plus rapidement autour de lui, ce qui dynamise les conditions d'impact.


Leurs simulations à N corps montrent que les accrétions tardives étaient caractérisées par des vitesses d'impact moyennes significativement différentes entre la Terre et Vénus : 19 km.s-1 et 24 km.s-1 respectivement. De plus, les chercheurs notent qu'environ 9 % et 25 % de tous les impacts sur la Terre et sur Vénus, respectivement, se sont produits à une vitesse supérieure à 30 km.s-1. Ces différences apparaissent parce que Vénus a un demi-grand axe plus court (donc une vitesse orbitale plus grande) que la Terre, et parce que l'accrétion tardive de météorites est généralement dominée par des impacteurs provenant d'au-delà de l'orbite terrestre qui nécessitent des excentricités orbitales plus élevées pour entrer en collision avec Vénus que pour entrer en collision avec la Terre.

Les vitesses d'impact plus élevées font fondre davantage de silicates, et jusqu'à 82 % du manteau de Vénus peut être atteint, selon Marchi et ses collaborateurs. Et si les impacts sur Vénus ont eu une vitesse beaucoup plus élevée que sur Terre, quelques impacts importants auraient pu avoir des résultats radicalement différents, avec des implications importantes pour l'évolution géophysique ultérieure.

Il faut dire qu’avant d’envisager le rôle des impacts énergétiques, les modèles géodynamiques devaient être ajustés très spécifiquement pour pouvoir recréer le volcanisme vénusien, tant les conditions internes de Vénus sont mal connues. L'une des principales théories était que Vénus subit des épisodes de volcanisme cataclysmique tous les 500 millions d'années environ, à mesure que la chaleur s'accumule sous une croûte épaisse et stagnante, mais le mécanisme permettant cela a toujours été vaguement décrit. 

Mais une fois que les scénarios d'impacts énergétiques sont introduits dans le modèle, il est facile d'obtenir un volcanisme extensif et étendu sans avoir à modifier les paramètres. L'énergie supplémentaire des impacts successifs suffit pour surchauffer l'intérieur de Vénus, de quoi soutenir des milliards d'années de volcanisme, selon les chercheurs.

Pour l’instant, cela reste une hypothèse convaincante, mais les prochaines missions vers Vénus pourraient permettre de trouver des preuves à l’appui de cette hypothèse. Il s'agit notamment de la mission EnVision de l'ESA, qui sera lancée au début des années 2030, et de la mission états-unienne DAVINCI (Deep Atmosphere Venus Investigation of Noble gases, Chemistry and Imaging) prévue en 2029 pour étudier l'atmosphère de Vénus. L'orbiteur VERITAS (Venus Emissivity, Radio Science, InSAR, Topography and Spectroscopy) de la NASA qui était prévu pour étudier la surface de Vénus et l'activité géologique de son sous-sol aurait été très utile dans le cadre de ces études mais la NASA a (officiellement) reporté la mission en raison de restrictions budgétaires... Elle ne verra donc jamais le jour.


Source

Long-lived volcanic resurfacing of Venus driven by early collisions
Simone Marchi, Raluca Rufu & Jun Korenaga 
Nature Astronomy (20 july 2023)
Illustrations

1. Vue d'artiste d'un gros impact avec Vénus (SwRI)
2. Animation montrant un impact géant sur Vénus, menant au chauffage de son coeur (SwRI)
3. Simone Marchi 

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