Une équipe de chercheurs japonais et néo-zélandais rapporte la découverte d'une planète errante de la taille de la Terre grâce au phénomène de microlentille gravitationnelle. Cette planète a une masse de 0,75 fois la masse de la Terre. L'étude est publiée dans The Astronomical Journal.
Les microlentilles gravitationnelles permettent de détecter une variété d'objets par la déflection de la lumière qu'ils produisent. Ces objets de faible masse vont des exoplanètes jusqu'aux trous noirs. Dans ce phénomène, la seule quantité mesurable est ce qu'on appelle le temps de passage du rayon d'Einstein (ou échelle de temps d'Einstein), noté tE. Elle prend des valeurs mesurables qui vont de quelques minutes dans le cas des planètes, jusqu'à plusieurs années pour des trous noirs.
On a tE = θE / µrel où µrel est le mouvement propre relatif entre la lentille et l'étoile d'arrière plan, et θE est le rayon angulaire d'Einstein donné par θE = √κMπrel où κ est une constante, M est la masse de l'objet lentille, et πrel est la parallaxe relative lentille-source. La masse de l'objet à l'origine du phénomène de lentille est donc obtenu par : M = (tEµrel )²/κπrel
Actuellement, trois groupes de recherche exploitent ce phénomène : la collaboration nippo-néo-zélandaise Microlensing Observations in Astrophysics (MOA), l'Optical Gravitational Lensing Experiment (OGLE) et le Korea Microlensing Telescope Network (KMTNet). Ils mènent tous les trois des études à large champ et à haute cadence en observant vers le bulbe galactique. Comme la microlentille est observée comme une variation temporelle de la lumière d'une étoile source de fond agrandie, elle est mesurable même si l’objet de la lentille est sombre. Les groupes qui observent leurs champs cibles avec une cadence allant jusqu'à 10 à 15 minutes sont sensibles aux planètes flottantes (FFP, free floating planet), même avec des masses terrestres. Mais, πrel et µrel dans l'équation sont des paramètres très incertains. Par conséquent, même si la masse peut être estimée par analyse bayésienne avec des distributions données de densité et de vitesse stellaires de la Galaxie, l’incertitude de l’estimation de la masse reste grande. Mais, dans les rares cas où la trajectoire de la lentille projetée passe à proximité du disque stellaire de la source, on peut mesurer le rayon angulaire d'Einstein θE en plus de tE en utilisant l'"effet de source finie", dans lequel la taille angulaire de l'étoile source affecte la courbe de lumière. De tels événements sont appelés des événements à source finie et à lentille ponctuelle (FSPL). Dans ce cas, l'équation de la masse de l'objet lentille se simplifie et ne dépend plus du mouvement propre relatif µrel . La masse est simplement obtenue par : M = θE²/κπrel
Bien que la nouvelle équation ait encore un paramètre incertain πrel, le rayon angulaire d'Einstein θE qui est mesuré directement donne une masse déduite de la lentille avec beaucoup moins d'incertitude que celle obtenue par une mesure de tE uniquement.
Sept événements de lentilles gravitationnelles de ce type ont été détectés entre 2018 et 2021. Et parmi ces 7 microlentilles , OGLE-2016-BLG-1928 est l'événement le plus court avec tE=41,47 minutes, et il possède également le plus petit rayon angulaire d'Einstein, θE = 0,842 ± 0,064 μas (Mróz et al. 2020 ). Cette lentille, OGLE-2016-BLG-1928L, est jusqu'à aujourd'hui la seule candidate planète flottante de masse terrestre et la première preuve d'une telle population.
Mais les astronomes de la collaboration concurrente MOA viennent donc de dénicher un deuxième spécimen, dont les paramètres de lentille indiquent un rayon angulaire d'Einstein un poil plus grand que la première spécimen : θE = 0,9 μas. Cette lentille est nommée MOA-9y-5919. Dans leur article, Naoki Koshimoto (Goddard Space Flight Center) et ses collaborateurs ont analysé près de 9 ans de données, entre 2006 et 2014, avant de trouver l'aiguille dans la botte de foin. Dans cette masse de données, ils ont identifié 6111 lentilles candidates, desquelles ils ont sélectionné 3535 lentilles de bonne qualité, avec des temps de croisement de rayon d'Einstein compris entre 82 minutes et 757 jours. Et parmi ces 3535 lentilles, 13 montraient un clair effet à source finie et à lentille ponctuelle, permettant d'obtenir une valeur de masse plus précise, et avaient un θE compris entre 0,90 μas et 332,54 μas. Ensuite, seulement deux d'entre elles avaient un tE inférieur à 1 jour, et c'est finalement MOA-9y-5919 qui sort du lot avec tE = 0,057 ± 0,016 jours (82 ± 23 minutes) et θE = 0,90 ± 0,14 μas.Koshimoto et ses collaborateurs ont alors effectué une analyse bayésienne pour déterminer la masse de l'objet et ils trouvent M= 0,75 (+1,23-0,46 ) M⊕. Il s'agirait donc d'une planète de la taille de la Terre, qui se trouve seule à errer à la recherche d'une étoile accueillante. Cette découverte confirme donc l'existence d'une population de planètes flottantes (ou errantes) de masse terrestre, et les chercheurs, en comparant les observations corrigées de leur efficacité de détection, montrent que les planètes errantes de masse terrestre comme MOA-9y-5919 seraient environ 10 fois plus courantes que celles de la masse de Neptune, des objets comme MOA-9y-770, une autre lentille qu'ils ont identifiée lors la même campagne.
Des futures observations mèneront certainement à d'autres découvertes de ce type, et grâce à des télescopes spatiaux comme le prochain Nancy Grace Roman, la tache devrait être un peu plus facile...
Source
Terrestrial- and Neptune-mass Free-Floating Planet Candidates from the MOA-II 9 yr Galactic Bulge Survey
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